35 II 6 : Similaires ou identiques, du pareil au même ?

En février 2014, l’honorable parlementaire Fabrice VERDIER interpellait Monsieur le Ministre des Finances et de l’économie (ou l’inverse) sur les conditions de recours aux marchés de prestations similaires. A travers un exemple relatif à des marchés de travaux, M. VERDIER s’interrogeait finalement « sur les conséquences de la renonciation, par le pouvoir adjudicateur, à passer un marché de prestations similaires, et ce, notamment sous l’angle de la remise en cause des conditions initiales de la mise en concurrence« . A titre complémentaire, M. VERDIER « lui demande de bien vouloir lui indiquer si le recours aux marchés de prestations similaires ne lui semble pas remettre en cause la nécessité d’une remise en concurrence périodique des opérateurs économiques. »

Quelques mois plus tard, Monsieur le Ministre de l’Economie et des Finances (ou l’inverse) apporte une réponse très didactique à Monsieur le Député de la 4ème circonscription du Gard.

On retrouve l’inévitable renvoi à l’article 35 II 6° du CMP qui décrit les hypothèses et conditions de recours au marché négocié sans mise en concurrence pour la réalisation « de prestations similaires à celles qui ont été confiées au titulaire d’un marché précédent passé après mise en concurrence« . La réponse ministérielle rappelle l’origine des marchés de prestations similaires, issus de la transposition de la Directive 2004/18/CE qui, elle même, reprenait les termes de sa devancière:

« pour de nouveaux travaux ou services consistant dans la répétition de travaux ou services similaires confiés à l’opérateur
économique adjudicataire du marché initial par les mêmes pouvoirs adjudicateurs, à condition que ces travaux ou services soient conformes à un projet de base et que ce projet ait fait l’objet d’un marché initial passé selon la procédure ouverte ou restreinte. La possibilité de recourir à cette procédure est indiquée dès la mise en concurrence de la première opération et le montant total envisagé pour la suite des travaux ou des services est pris en considération par les pouvoirs adjudicateurs pour le calcul des seuils. Il ne peut être recouru à cette procédure que pendant une période de trois ans suivant la conclusion du marché initial« .

L’exposé, très complet, révèle ensuite :

– que les marchés de prestations similaires sont des options au sens communautaire et ne constitue dès lors qu’une faculté pour les organismes acheteurs

– que la procédure de mise en concurrence du premier marché doit avoir prévu la possibilité de mettre en œuvre une ou plusieurs de ces options, sans pour autant avoir besoin de préciser le nombre et le volume

– que les pouvoirs adjudicateurs ne peuvent bénéficier de cette opportunité que dans un délai restreint à 3 ans à compter de la notification du premier marché.

Rien de nouveau donc mais un avertissement salutaire pour une procédure hautement dérogatoire.

« Similaire » mais qu’est-ce que çà peut bien vouloir dire?


L’article 35 II 6° ne nous en dit pas plus.

L’article 31 de la Directive 2004/18/CE précise que les travaux ou services doivent être « conformes à un projet de base« .

Selon le dictionnaire de Droit Privé de Serge BRAUDO, « conforme » peut être défini comme « La conformité est la qualité de ce qui est l’exacte représentation d’un être vivant, d’une chose, d’une activité. ou d’une règle morale ou sociale. Le mot « conforme » exprime plus qu’une ressemblance ; une identité parfaite. »

Selon le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales : « Dont la forme correspond à celle d’un objet pris comme modèle » ou « Qui s’accorde, qui s’harmonise et s’adapte bien avec quelque chose« 

Selon le Larousse, « similaire » est définit dans les mêmes termes que le CNRTL « Qui s’accorde, qui s’harmonise et s’adapte bien avec quelque chose » et les synonymes citées sont « analogue », « assimilable », « comparable » et même « voisin ».

On navigue donc entre « l’identique » et le « proche ».

Nous v’là beaux!

Des indices?


A défaut de pouvoir dénicher une jurisprudence qui va bien,la réponse ministérielle nous apporte un éclairage intéressant :

« Le marché de prestations similaires permet à la personne publique ayant conclu un premier marché d’acquérir les mêmes prestations dans le cadre d’un autre marché qui prolonge en quelque sorte le premier. »

Une prolongation du premier marché? Il s’agirait donc de continuer dans le temps la réalisation de travaux ou services identiques au marché initial. Le ministre pondère son affirmation en ajoutant un « en quelque sorte » suspensif…

La question parlementaire cite l’exemple de réalisation de travaux d’aménagements paysagers : « pour réaliser ces mêmes opérations sur des zones géographiques différentes »

Il s’agirait alors de réaliser une fois de plus des travaux identiques, mais en l’espèce, sur un espace différent.

La nature des prestations devrait donc être identique mais le lieu et le moment (dans la limite de 3 ans faut-il le rappeler) n’importent peu.

L’histoire à la rescousse?


Les plus endurants de la discipline des Marchés Publics se souviennent peut-être de l’éphémère Code 2001, premier CMP de l’ère moderne. L’article 35 III 2° autorisait alors la passation de marchés :

« Peuvent être négociés dans publicité ni mise en concurrence : […] Les marchés de services ou de travaux qui ont pour objet la réalisation de prestations identiques à celles d’un marché précédent exécuté par le même titulaire. »

On parlait même ante 2001 de marchés de reconductions.

Faut-il comprendre alors que les marchés 35 II 6° doivent concerner des prestations identiques?

Au contraire, si les rédacteurs du Code avaient souhaité maintenir le caractère « identique » des prestations concernées, ils auraient valablement conservé cette terminologie dans les CMP 2004 et 2006 au lieu de lui substitué la mention « similaire ».

Temporalité et spatialité au bon vouloir de l’adjudicataire…check

Similaire n’est pas parfaitement identique…check

Nature de travaux ou de services absolument identique? Possibilité d’affiner les spécifications techniques? Jusqu’à quel point?

Et bien voilà, on aura bien joué sur les mots, dégagé de fragiles vérités et engendré de nouvelles énigmes. Triptyque typique en matière de commande publique…

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Publié dans Réflexion
1 comments on “35 II 6 : Similaires ou identiques, du pareil au même ?
  1. […] réponse ministérielle à la question 32665 de M. Fabrice VERDIER (tiens, tiens…) nous apporte quelques judicieuses précisions […]

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