Quelques pensées rapides sur les critères d’attribution…Part I

Trouver la solution qui permettra de satisfaire au mieux :

  • les besoins binaires de la Direction des Systèmes d’Information,
  • les papilles des rationnaires de la cantine scolaire,
  • les attentes en matière de sécurité des cantonniers,
  • l’appétit littéraire des inscrits à la médiathèque intercommunale
  • ou encore le regard de l’Architecte des Bâtiments de France sur l’intégration du mobilier urbain dans une AVAP

tel est le rôle principal de l’acheteur public.

Pour ce faire, il dispose d’une boîte à outils bien fournie pour interroger le marché fournisseur et détecter l’offre économiquement la plus avantageuse du moment, c’est-à-dire celle qui répondra le plus avantageusement aux besoins des usagers.

Parmi ces outils, citons les cahiers des charges (ouverts aux variantes, fermés, fonctionnels, normatifs…), la procédure de consultation (en un seul round, avec négociation, avec remise de prestations ou échantillons, avec écriture du cahier des charges tout au long du processus de sélection) et bien entendu les critères d’attribution.

Les critères d’attribution, leur pondération, leurs éléments d’appréciation et leur méthode de notation constituent un message formulé par l’acheteur au marché fournisseur qui doit permettre à ce dernier d’orienter son offre au plus près des désirs du premier.

Ainsi :

  • un critère « délai » fortement pondéré signifiera que l’acheteur voudra rapidement satisfaire son besoin et qu’il est donc prêt à payer plus cher pour se sustenter fissa.
  • Un critère relatif aux performances en matière d’insertion des personnes éloignées de l’emploi pondéré au-delà de 30% affirmera la prépondérance de l’action sociale dans la politique globale de l’organisation publique

Ce papier n’exposera pas le critère du prix que ce modeste blog a déjà pu traiter ici ou ou encore . Nous nous contenterons d’introduire quelques critères intéressants à sortir de votre tablier d’acheteur lorsque vous concoctez une consultation aux petits oignons pour vos techniciens.

Il conviendra alors de ne pas perdre de vue que le pouvoir adjudicateur se fonde sur un ou plusieurs critères de sélection non discriminatoires et justifiés par l’objet du marché ou ses conditions d’exécution pour attribuer le marché public.

Le délai d’exécution

…ou délai de livraison dans les marchés de fournitures peut être défini comme le laps de temps déterminé pour réaliser les prestations, travaux ou livrer les fournitures objet du marché.

Le critère délai d’exécution permet d’offrir la meilleure note au soumissionnaire qui propose le délai d’exécution le plus bas parmi les autres offres.

Ainsi l’entreprise « A » qui livre en 10 jours sera supérieure sur ce critère à l’entreprise « B » qui livre en 15 jours.

Aussi, on peut raisonnablement envisager qu’un acheteur souhaite disposer de la livraison de biens dans des délais fortement contraints pour faire face à certaines échéances. Le maître d’ouvrage des JO 2024 risque ainsi d’avoir recours quelquefois au critère délai.

Et pourtant, le critère « délai » est-il pertinent ?

Pourquoi ne pas fixer dans le cahier des charges le délai qui importera à l’acheteur :

  • si l’école doit être livrée en août de l’année n+3 pour être opérationnelle à la rentrée N+3, alors le délai d’exécution doit être fixer dans le cahier des charges et non valoriser par un critère. A quoi bon obtenir la livraison du bâtiment scolaire en mai n+3 ? A quoi bon gagner 4 mois ?
  • si un combustible doit être livré tous les 10 jours, à quoi bon valoriser une entreprise qui propose de livrer sous 5 jours ?

Le critère « délai » est ainsi souvent fixé au règlement de consultation par des services mal organisés pour palier à leur faiblesse en matière de logistique ou de gestion des stocks. Mieux vaut donc agir en interne au lieu de payer plus cher un service plus rapide.

Pas forcément pertinent, le critère « délai » est aussi un critère pervers :

A supposer que le titulaire du marché ait emporté la consultation parce qu’il s’est engagé à prix sensiblement supérieur aux autres concurrents sur un délai substantiellement inférieur, ce titulaire ne respecte pas le délai fixé et livre dans un délai supérieur à celui que proposaient les concurrents. A supposer toujours, comme c’est le cas très souvent dans les organisations publiques que le responsable de l’exécution ne soit pas la même personne qui a assuré la passation. Le contrôleur de l’exécution peut omettre d’appliquer des pénalités de retard et favoriser ainsi le titulaire du marché. Il peut également prolonger à tort le délai d’exécution artificiellement et donc renoncer implicitement à l’application des pénalités de retard (CE 17/03/2010 n°308676, Commune d’Issy les Moulineaux).

Un arrêt récent de la Cour Administrative de Versailles (CAA de Versailles, 5e chambre, 22 juin 2017, n°15VE02147) autorise les acheteurs à utiliser le taux ou le montant de pénalités de retard comme critère d’attribution pour jauger la fiabilité du fournisseur quant au respect des délais d’exécution ou de livraison.

En effet, au lieu de valoriser des délais inférieurs au délai cible (ou plafond), l’acheteur demande aux soumissionnaires de fixer eux même le montant des pénalités qu’ils consentent à se voir infliger en cas de non respect du délai contractuel. Aussi, plus le montant des pénalités figurant dans l’offre sera élevé, plus le soumissionnaire s’affichera comme soucieux du bon respect des attentes de l’acheteur public en matière de délai. La CAA de VERSAILLES précise ainsi que : « ni la circonstance que la pénalité ne soit susceptible d’être prononcée qu’en cas de retard d’exécution du marché, ni celle qu’elle soit susceptible d’être atténuée par le juge du contrat ne peuvent faire regarder ce sous-critère comme dénué de tout caractère objectif et de toute pertinence ». Autrement dit, ce critère masochiste n’est pas discriminatoire et est lié à l’objet du marché de construction objet du litige. On peut légitimement avancer que ce critère pourrait être lié à la plupart des besoins des acheteurs publics donc utilisable à l’envie…à condition évidemment d’appliquer les pénalités lorsque retard imputable au titulaire il y a.

La fiabilité

La fiabilité, la solidité, la durabilité ou la robustesse des équipements, fournitures, ouvrages objets du marché constitue le plus souvent un sous-critère de la sacro-sainte Valeur Technique.

Il est parfaitement compréhensible, dans une logique de bonne utilisation des deniers publics et d’achat responsable, de souhaiter obtenir des équipements qui ne vont pas perdre toute utilité après seulement quelques semaines d’utilisation.

Aussi, pour faire la lumière sur l’offre ayant le meilleur rapport qualité / prix, l’acheteur devra déterminer comment vérifier et valoriser la robustesse de l’équipement qui assouvira son besoin sans se contenter du typique « c’est cui là que j’veux car c’est la meilleure marque».

Comment passer alors d’une discrimination basée sur la réputation à une note objective ne distordant pas les écarts entre la fiabilité des offres reçues ?

Il est envisageable de solliciter la fourniture d’un échantillon dans certains cas notamment lorsque le coût de l’échantillon est dérisoire par rapport à la quantité qui sera commandée dans le cadre du marché tels que :

  • des éléments de quincaillerie
  • de l’outillage manuel de jardinage
  • des couverts de restauration scolaire
  • de la verrerie scientifique
  • signalétique extérieure

L’acheteur peut également solliciter des opérateurs économiques candidats de tester le matériel dans leurs ateliers pour des machines-outils, des outillages portatifs électrique ou thermique, des véhicules ou des équipements de bureautique.

L’acheteur se heurtera malgré tout à des limites inhérentes à la durée du test, à la taille de l’échantillon testé et à l’organisation même du test dans des conditions d’utilisation réelle (ND Clauseur : je salue à ce propos la pertinence des propos de HP CHAVAZ sur http://agorapublix.com/forum3/index.php?topic=32531.0 que je reprends ici).

Une astuce est d’utiliser la durée et les conditions de la garantie. Ainsi, plus la garantie est longue, plus le fournisseur est confiant sur la durabilité de son produit. Plus les conditions de la garantie sont étendues (remplacement, mise à disposition d’un équipement de remplacement, prise en charge des transports, dédommagement…), plus le candidat s’exposera en cas de défaillance de son produit.

Le cahier des charges devra également prévoir les mesures coercitives suffisamment précises et contraignantes en cas de non respect des conditions de la garantie par le titulaire.

Les critères subjectifs

Pour clôturer cette première partie, un passage rapide sur les critères organoleptiques et esthétiques. On utilise ces discriminants lors des marchés de denrées alimentaires pour la restauration scolaire, les prestations de traiteur, certains évènementiels pour le premier et pour le mobilier urbain, la Maîtrise d’Oeuvre, certaines prestations graphiques notamment pour le second.

Subjectifs donc discriminatoires, ces critères devront être utilisés avec parcimonie par l’acheteur et surtout objectivés.

Cette objectivisation n’est rendu possible qu’en agrégeant les appréciations d’un jury suffisamment indépendant et composé d’un nombre suffisant de membres, au minimum 5.

Ainsi, le plat cuisiné en conserve qui figurera dans la ration du soldat pourra être considérée comme fade par un membre, correcte par un autre et succulente par deux autres. Globalement, ce plat cuisiné obtiendra une note supérieure à la moyenne et non une note quasi parfaite si les deux derniers jurés avaient été les seuls à débattre. Il en va de même pour la perception esthétique. Ce qui apparaît agréable à l’oeil pour un juré pourra passer pour une croûte infâme pour un autre.

L’ergonomie et le confort pourront également être passés à la moulinette d’un jury pour dégager une évaluation la plus objective, ou en tout cas la moins sujette à polémique possible.

 

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Un Small Business Act Ultra-Marin… Malin ou « machin »?

Le CLAUSEUR sortirait-il de sa torpeur? Enfin?

Pas tout à fait, des obligations professionnelles ne me permettent malheureusement pas  d’assurer le service minimum sur cet espace d’expression. Mais je ne pouvais passer sur ces mesures en cours de discussion dans les Assemblées (actuellement se tiennent les débats en Commission Mixte Paritaire) et qui pourraient impacter ma région d’adoption.

Mesures malines ou « machin » à la façon du général?

Le 19 janvier 2017, nos sénateurs ont adopté le projet de loi relatif à l’Égalité Réelle des outre-mers.

Selon le calendrier parlementaire, la loi devrait être définitivement promulguée fin février.

L’Egalité réelle des outre-mers… Voilà bien une punchline clinquante qui s’affiche qui plus est sans acronyme évocateur. Il s’agit concrètement d’offrir des espaces dans la règlementation qui doivent permettre la correction des « inégalités structurelles » entre les territoires ultra-marins et la métropole.

Parmi ces mesures, nous nous attarderons sur l’article 19 de ce projet de loi qui dispose :

« À titre expérimental, et pour favoriser à moyen terme l’émergence de nouveaux opérateurs locaux susceptibles d’exercer pleinement leur libre accès à la commande publique, dans les collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution autres que la Polynésie française et les îles Wallis et Futuna, pour une période de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi, les pouvoirs adjudicateurs, les entités adjudicatrices et les acheteurs publics peuvent réserver jusqu’à un tiers de leurs marchés aux petites et moyennes entreprises locales, au sens de l’article 51 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie.[…] »

Il s’agit donc d’autoriser les acheteurs publics ultra-marins à ne pas respecter le principe d’égalité de traitement des candidats pendant une période d’expérimentation quinquennale. Quelles sont les mesures introduites par cet article 19 et quels sont les impacts souhaités sur l’économie des outres mers? Comment appréhender la constitutionnalité de ces mesures et envisager les futures difficultés règlementaires de leur application?

Telle sera l’articulation de notre développement en passant ces mesures au seul filtre réunionnais pour la simple et bonne raison que votre hôte WordPress ne connait qu’à la marge la situation des Antilles, de la Guyane, de St Pierre et Miquelon et des iles françaises du Pacifique. Mais tout d’abord, favoriser les PME est-ce innovant ou réchauffé?

Le SBA, une vraie nouveauté?

Les mesures en faveur des TPE-PME dans les textes régissant la commande publique ne datent pas d’hier et sont aussi récurrentes que les périodes électorales.

Il n’y a pas encore 10 ans, le Conseil d’Etat (CE 9/07/07 Synd EGF-BTP n°297711) annulait l’article 60 I al 3 en raison de sa méconnaissance du principe d’égal accès à la commande publique en cela qu’il précisait : « En outre, le pouvoir adjudicateur peut fixer un nombre minimum de petites et moyennes entreprises, au sens de l’article 48, qui seront admises à présenter une offre, sous réserve que le nombre des petites et moyennes entreprises retenues en application des critères de sélection des candidatures soit suffisant. Cette décision est mentionnée dans l’avis d’appel public à la concurrence. »

Le rapporteur public de l’affaire N BOULOUIS exposa aux Sages que ces dispositions (reprises également aux articles 65 et 67 relatifs au marché négocié et dialogue compétitif) étaient clairement illégales car « une telle discrimination ne peut être liée à l’objet du marché et n’est dictée par aucun motif d’intérêt général justifiant un traitement différencié« .

Citons également au niveau européen, le rapport STOLERU du 5/12/2007 qui proposait notamment un quota de marchés réservés aux PME innovantes. Il s’agissait de réserver 15% des marchés dits de haute technologie (santé, éco-activité, énergie, transports, défense, NTIC) à des PME innovantes.

Sur l’Ile de la Réunion et à l’initiative de la CGPME, les syndicats interprofessionnels & professionnels ont formalisé un SBA ou Stratégie du Bon Achat, expression astucieuse pour éviter l’anglicisme Small Business Act.

Loin d’une mesure règlementaire, le SBA réunionnais apparaît comme un engagement bilatéral de mise en oeuvre de bonnes pratiques entre acheteurs publics et opérateurs économique. Il se développe en 3 volets :

  • L’anticipation => diffusion de la politique achat de l’organisation publique aux opérateurs économique
  • L’adaptation => Bonifier les conditions d’avance, allotir au plus près, faciliter les démarches de réponse
  • L’ancrage territorial => mettre en place des comités experts pour améliorer les contrats et mode de consultation en continu

Les plus grands donneurs d’ordre locaux ont signé cette charte, citons notamment le Conseil Départemental, les communautés d’agglomération du Nord et de l’Ouest, la Commune de SAINT-DENIS…

Le « SBA Bareigts » du nom de la Ministre de l’Outre-Mer en exercice va plus loin que les seuls droits de préférence, engagement de bonnes pratiques ou quota sectoriel, il réserve clairement tout un pan de la manne publique aux PME. Prenons donc le temps de comprendre cette mesure phare de la loi relative à l’Egalité Réelle.

1/3 des marchés publics outre-mer aux PME locales?

Evidemment le taux de réservation est bien moins impressionnant que les 80% que M. MONTEBOURG souhaitait mettre en oeuvre s’il avait pu accéder à l’Élysée.

Intéressons-nous tout d’abord à la manière de distinguer les PME du pot commun « entreprises ».

C’est le Décret 2009-245 du 2 mars 2009 qui vient définir la notion de PME dans le droit de la Commande Publique. Comme tout bon livre dont vous êtes le héros, ce cher Décret renvoie à la recommandation de la Commission du 6 mai 2003 concernant la définition des micro, petites et moyennes entreprises (2003/361/CE) qui précise :

« La catégorie des micro, petites et moyennes entreprises (PME) est constituée des entreprises qui occupent moins de 250 personnes et dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas 50 millions d’euros ou dont le total du bilan annuel n’excède pas 43 millions d’euros. »

Selon la Chambre de Commerce et d’Industrie de la Réunion, il convient de considérer comme PME toutes les entreprises de moins de 50 salariés. Cette définition réunionnaise nous permet d’extrapoler sur la taille des entreprises qui pourraient bénéficier du dispositif. Ce sont bien des entreprises dont l’effectif est inférieur à 250 personnes et avec un CA inférieur ou égal à 50M€ qui pourront obtenir des marchés publics réservés spécialement pour elles. C’est à dire des entreprises de grande taille sur le marché fournisseur réunionnais.

Lors des navettes parlementaires, l’article 19 supprimé initialement est réapparu par la grâce d’un amendement présenté par M. MAGRAS et le Gouvernement. L’argumentaire développé devant le Sénat faisait état de la nécessité de « faire émerger de nouveaux opérateurs locaux susceptibles d’exercer pleinement, à moyen terme, leur libre accès à la commande publique » et d’ajouter « le statu quo favoriserait les opérateurs exerçant d’ores et déjà leur domination économique »

Comment de nouveaux opérateurs locaux pourront-ils valablement lutter face à des entreprises de plus de 100 salariés et produisant un CA supérieur à 20 ou 30 millions d’Euros? Ce quota ne risque-t-il pas de favoriser inutilement des opérateurs de grande taille eu égard aux standards insulaires mais de taille moyenne selon la définition règlementaire?

Size matter ont tendance à déclarer nos voisins américains instigateurs les premiers d’un SBA. Certes, il faudra se faire petit ou moyen pour espérer intégrer ce tiers de marchés réservés mais surtout, il faudra se présenter comme un acteur local.

Et c’est bien là une nouvelle problématique, que signifie « entreprises locales »? Comment les acheteurs vont-ils pouvoir vérifier l’étiquette « péi » des opérateurs candidats? S’agit-il de l’adresse de l’entreprise ou de son établissement? Quid d’un opérateur local dont les salariés ne seraient pas résidents, pis, natifs? Ou encore d’une entreprise dont le siège est réunionnais mais le patron métropolitain? Comment traiter un groupement composé d’une entreprise locale et d’un cotraitant extérieur? Devra-t-on utiliser l’indicateur BIOM pour déterminer le localisme de l’opérateur?

On retrouve là les limites discriminantes de la fameuse préférence régionale qui se transforme de manière sectorielle en préférence communale voir même, et c’est risible, quartiétale.

On peut donc raisonnablement douter de l’impact futur du dispositif en faveur des vrais PME réunionnaises rien qu’en prenant en compte ce champ de réservation organique. Espérons seulement que les Décrets d’application sauront rationaliser cette formulation laconique.

Toutefois, avant de quitter ce critère, notons que l’article 19 évoque pouvoirs adjudicateurs (PA), entités adjudicatrices (EA) et acheteurs publics. Or, l’article 9 de l’Ordonnance du 23 juillet 2015 précise que la dénomination « acheteurs publics » regroupe à la fois les PA et les EA. Pourquoi recréer une dichotomie que la réforme de la commande publique de 2015 avait fini par abroger?

Le 2ème alinéa de cet article 19 apporte également son lot d’interrogation …

« Le montant total des marchés conclus en application du premier alinéa au cours d’une année ne peut excéder 15% du montant annuel moyen des marchés du secteur économique concerné conclus par le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice au cours des trois années précédentes. »

…Doux euphémisme que de le qualifier de confus.

L’acheteur public (notons ici que l’expression a disparu) au sens de l’article 9 de l’Ordonnance 2015-899 devra donc calculer le total en valeur des marchés qu’il a conclu. Jusque ici rien de compliqué. Il devra ensuite ventiler ce total par secteur économique. Espérons qu’un acte règlementaire vienne déterminer ce que renferme la notion de secteur économique.

  • S’agit-il du triptyque « primaire, secondaire, tertiaire » ?
  • S’agit-il d’une partition en rapport avec la qualification matérielle des marchés : Fournitures, services et travaux ?
  • S’agit-il d’une partition plus fine de type matières premières, produits manufacturés, outils et équipements, service de conseil, service de maintenance et entretien, service sanitaires, sociaux ou récréatifs, travaux de voirie, travaux de bâti…?

Au surplus, en liant les deux premiers alinéas, doit-on comprendre que le tiers de marchés réservés aux PME se compte en nombre de marchés (nombre de consultations x nombre de lots) mais ne doit jamais dépasser un montant en Euro engagé calculé sur 3 années ?

Les difficultés que peuvent engendrer le respect de ces limites pour les administratifs acheteurs publics apparaissent importantes. Quid par exemple de l’avenant ou de l’achat supplémentaire (art 139 2° Décret 2016-360) devenu nécessaire sur un contrat conclu dans les quotas de l’article 19 de la loi Egalité-Réelle qui engendrerait un dépassement  de la limite des 15% trisannuelle ?

Comment intégrer les marchés et accords-cadres conclus sur plusieurs années et dont les dépenses réelles peuvent varier selon les quantités réellement exécutées ?

Que faire lorsque une PME titulaire d’un marché réservé souhaite sous-traiter des prestations à une entreprise n’entrant pas dans le champ des PME ? Doit-on refuser d’agréer le sous-traitant ? La question de posera également pour les sous-traitants de rang inférieur.

Une immixtion exagérée dans le principe de liberté de sous-traiter?

Enfin, le 3ème alinéa moins avant-gardiste puisque émanation du SBA US renferme certaines caractéristiques d’un terreau fertile aux contentieux :

« Dans les conditions définies par voie règlementaire (NDClauseur : au moins un règlement est prévu), pour les marchés dont le montant estimé est supérieur à 500 000 euros hors taxe, les soumissionnaires doivent présenter un plan de sous-traitance prévoyant le montant et les modalités de participation des petites et moyennes entreprises locales. »

Le vocable « soumissionnaire » nous indique que c’est au moment de la remise du pli, avant la date limite de réception des offres, que l’entreprise candidate devra remettre un plan de sous-traitance.

En procédure restreinte, seuls les candidats retenus au préalable devront intégrer ce nouveau document à leur offre.

Ce plan doit renseigner l’acheteur public sur les montants sous-traités et les moyens que le soumissionnaire met ou mettra en œuvre pour faire participer les PME locales.

Nous pouvons d’ores et déjà imaginer que le futur décret précisera le contenu minimum du plan de sous-traitance et éventuellement la part minimum que le candidat devra sous-traiter ou ne pourra sous-traiter ainsi que la définition des modalités de participation.

En théorie, la pratique peut être louable mais en pratique pourra générer quelques difficultés.

Les acheteurs devront prévoir des délais de consultation suffisamment calibrés pour permettre aux candidats de nouer des contacts raisonnablement avancés afin de rédiger leur plan de sous-traitance.

La sous-traitance étant mise en œuvre très souvent pour faire face à un pic dans le plan de charge (sous-traitance de capacité), le soumissionnaire devra pouvoir anticiper son activité de manière précise. A l’inverse, les acheteurs publics devront s’astreindre à respecter des plannings tirés au cordeau. Peut-être serait-il intéressant de prévoir une pénalité contractuelle à l’encontre de l’acheteur public ayant traîné lors de l’analyse des offres ou dans les phases précédent l’ordre de service ?

Dans certains domaines spécifiques (sous-traitance de spécialité), il est fort probable que le tissu économique local (insulaire la plupart du temps) ne permette pas aux opérateurs de trouver des sous-traitant disposant des capacités financières et surtout techniques et professionnelles. On peut penser à certaines prestations intellectuelles ou travaux spéciaux (transport par câbles, tunnelier, études ciblées…)

L’alinéa semble pourtant concerner tous les marchés dont la valeur estimée dépasse le seuil de 500 000 € HT sans exception sectorielle expressément mentionnée.

Enfin, notons sur ce point que l’article 19 al 3 de la loi sur l’Egalité Réelle des Outre-Mers jette aux orties le principe du libre choix par l’entreprise entre l’exécution personnelle des prestations et le recours à la sous-traitance porté par la loi de 75 relative à la sous-traitance.

Rédaction lacunaire, renvoi à des décrets postérieurs, sources de litiges sous-jacentes, l’article 19 de la loi Egalité Réelle des Outre-Mers ressemble plus à une déclaration politique destinée à apaiser un tissu économique ultra-marin sous perfusion d’argent public qu’à un vrai outil de gouvernance économique.

Il serait sans nul doute plus opportun de maîtriser les bases du process de l’achat public au lieu de multiplier les dispositifs de niche.

Jean TIROLE et Stéphane SAUSSIER dans la note du CAE n°2 d’avril 2015 souhaitaient rendre à l’achat public la réalisation du seul objectif d’acheter au meilleur rapport qualité prix de manière à optimiser la dépense publique (recommandation n°1 : « Reconnaître que l’objectif de la commande publique, quel qu’en soit le montant, est avant tout de satisfaire un besoin identifié en parvenant à la meilleure performance en termes de coûts et de services ou fonctionnalités attendus. Charger la commande publique d’atteindre des objectifs sociaux, environnementaux ou d’innovation est inefficace »).

En d’autres termes, en achetant mieux, on achète plus et un gâteau plus volumineux se partage plus facilement que la vieille tarte qui tourne et qui tourne à l’entrée du libre service dans une armoire vitrée translucide.

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Tout çà c’est après le DRAM* – Entretien avec M. Najyb TEMAGOULT – PART II

Suite de l’entretien que nous a accordé M. Najyb TEMAGOULT, directeur des Marchés Publics, d’une grande commune ultra-marine.

De manière plus pratique, allez-vous analyser les offres avant les canditures tel que l’article 68D le prévoit?

Cette possibilité offerte par le DRAM m’entraine dans la réflexion suivante :

1) En quoi cela me fait il gagner du temps?

En effet, mis à part en procédure restreinte, l’analyse de candidature ne se borne qu’à lister les pièces demandées, contrôler leur contenu et vérifier qui a signé et si cette personne a la capacité d’engager son entreprise. Passé ce contrôle, l’analyse de l’offre s’ouvre à nous.
Inverser ce processus nous ferait il gagner plus de temps? Je ne le crois pas surtout que le DRAM indique :
« L’acheteur peut décider d’examiner les offres avant les candidatures. »
Beaucoup pensent que cette phrase les dispensent d’analyser les candidatures des OE non retenus, sauf que l’utilisation du pluriel ne laisse aucune équivoque. Il semblerait donc qu’on puisse analyser les offres avant, mais qu’il faille ensuite analyse les candidatures, donc toutes les candidatures.
De plus, perdons nous vraiment des jours à analyser des candidatures? il ne faut pas diaboliser cette phase qui reste rapide la plupart du temps. Là encore, nous sommes en présence d’une mesurette.

 

« Nous sommes en présence d’une mesurette »

2) Doit-on vraiment analyser toutes les candidatures?

Si le DRAM est quelque peu obscur sur ce point, il faut que nous restions dans la lignée écrite par les principes de la commande publique. Est-ce conforme au principe d’égalité de traitement des candidats de ne vérifier que la candidature du candidat classé premier?
Non si jamais la candidature du moins disant (qui n’est pas premier) aurait du être éliminée, cela fausse le calcul du critère de prix et remet en cause le classement final.

Prenons l’exemple suivant : Trois OE répondent à une consultation. Nous avons A, B et C. La pondération est la suivante : 60% valeur technique et 40% pour le prix. La formule pour le prix est la formule classique prix le moins cher/prix proposé X 100.
A propose 100 000 € et a la valeur technique la plus faible
B propose 180 000 € et a la valeur technique la plus haute
C propose 110 000 € et a la valeur technique moyenne
A obtient 100 points pour le prix, B obtient 55,5 points et C obtient 90,9 points.
A obtient 50 points pour la valeur technique, B 100 points et C 75 points.
En valeur pondérée cela donne pour A : 100 X 0,40 (prix) + 50 X 0,60 (VT) = 80 points
Pour B : 55,5 X 0,40 + 100 X 0,60 = 82,2 points
Pour C : 90,9 X 0,40 + 75 X 0,60 = 81,4 points.
Imaginons que la candidature de A n’est pas bonne, que cet OE n’avait pas les capacités techniques et professionnelles pour répondre à la consultation. Elle aurait du être éliminée et le calcul du prix ne devait se faire que sur la base du prix de C qui est le moins disant.
B obtient donc sur le prix 61,1 pondéré à 40%, 24,4. C obtient 40 points car offre la moins disante.
La valeur technique est toujours de 100 soit 60 (après pondération) pour B et 75 soit 45 (après pondération).
B obtient 84,4 au total et C 85, donc C doit être classé premier. Seulement si on ne fait pas cet effort pour le moins disant, on pourra donc attribuer des marchés à des entreprises qui auraient du être classées deuxième.
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Tout çà c’est après le DRAM* – Entretien avec M. Najyb TEMAGOULT – PART I

*Décret relatif aux Marchés Publics (Décret n°2016-360)

Le Clauseur retrouve l’AZERTY près de 16 mois après son dernier envoi et c’est avec un réel plaisir que j’ai interrogé un vrai praticien de la commande publique, Monsieur Najyb TEMAGOULT.

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1. Globalement êtes-vous satisfait de la réforme applicable depuis le 1/04/16? Quelles nouveautés vous réjouissent le plus? vous inquiètent le plus?

Globalement, il n’y a pas de quoi être satisfait, à brûle pourpoint je dénombre 7 cas d’insatisfactions :
1) Confusion Accord-cadre (AC)/Marchés Publics (MP).
Le décret relatifs aux marchés (DRAM), nous dit que désormais un AC est un MP. Pourtant ces deux types de contrat sont différents. L’AC est un pré contrat, il s’apparente à des pourparlers, là où le marché est une commande ferme. La Directive 2014/24/UE fait pourtant bien la différence entre ces deux types de contrat :
Article 2-I-5 : « «marchés publics», des contrats à titre onéreux conclus par écrit entre un ou plusieurs opérateurs économiques et un ou plusieurs pouvoirs adjudicateurs et ayant pour objet l’exécution de travaux, la fourniture de produits ou la prestation de services; « 
Article 33 : « Un accord-cadre est un accord conclu entre un ou plusieurs pouvoirs adjudicateurs et un ou plusieurs opérateurs économiques ayant pour objet d’établir les conditions régissant les marchés à passer au cours d’une période donnée, notamment en ce qui concerne les prix et, le cas échéant, les quantités envisagées. « 
Cela a des conséquences en pratique : dans le Code de 2006 un AC ne pouvait pas être reconduit car il n’était pas visé par l’article 16, aujourd’hui l’article 16 du DRAM vise les MP donc les AC. Ne risque t’on pas de confondre ces deux notions alors que la Directive les a bien distingués et séparés?

 « On prend le problème à l’envers, raccourcir les délais de procédure ne va pas dans le bon sens »

 2) Réduction des délais de procédure.
L’appel d’offres passe de 52 jours à 35 jours, article 67-I du DRAM. Ce délai peut être réduit à 30 jours si on accepte les candidatures et les offres dématérialisées. Les entreprises se plaignaient sous le Code 2006 de ne pas avoir assez de temps pour préparer leurs offres, comment vont elle faire avec cette réduction? Car en pratique sous le Code 2006, rares étaient les procédures laissant 52 jours pleins, les Pouvoirs Adjudicateurs (PA) laissaient 40 jours pour répondre à un appel d’offres car ils souhaitaient bénéficier des réductions de délais qu’offrait le Code.
Les Pouvoirs Adjudicateurs se plaignaient de leur côté de ne pas recevoir d’offres ou d’en recevoir qu’une seule. A mon sens, on prend le problème à l’envers, raccourcir les délais de procédure qui étaient déjà assez courts ne va pas dans le bon sens. Heureusement, les Pouvoirs Adjudicateurs peuvent proposer un délai supérieur, rien ne l’interdit.

 

3) Durcissement de la procédure adaptée.

Alors certes, on a intégré la jurisprudence permettant de se réserver la possibilité de négocier mais on a supprimé :

– La possibilité de contracter avec qui l’on voulait en dessous de 25 000 € HT, article 28-III du Code 2006. Désormais il faudra faire une procédure négociée pour cela, article 30-I-8° du DRAM. Cela remet en cause la « procédure des 3 devis » qui est répandue chez les Pouvoirs Adjudicateurs car l’article 34-I-1-a impose des mesures de publicité pour les MAPA inférieurs à 90 000 € HT.

Demander 3 devis Est-ce une mesure de publicité? Le juge nous le dira mais il y a une légère contradiction entre l’article 27 du DRAM : « Lorsque la valeur estimée du besoin est inférieure aux seuils de procédure formalisée, l’acheteur peut recourir à une procédure adaptée dont il détermine librement les modalités en fonction de la nature et des caractéristiques du besoin à satisfaire, du nombre ou de la localisation des opérateurs économiques susceptibles d’y répondre ainsi que des circonstances de l’achat. » et l’article 34-I-1-a :  » I. – Pour les marchés publics passés selon une procédure adaptée en vertu de l’article 27 :

1° L’Etat, ses établissements publics autres qu’à caractère industriel et commercial, les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements procèdent à une publicité dans les conditions suivantes :

a) Lorsque la valeur estimée du besoin est inférieure à 90 000 euros HT, l’acheteur choisit librement les modalités de publicité adaptées en fonction des caractéristiques du marché public, notamment le montant et la nature des travaux, des fournitures ou des services en cause ; »

Où est la liberté dans l’établissement des modalités de la consultation en MAPA lorsqu’on nous impose de faire une publicité dès le premier euro?

Où est l’efficacité de la commande publique?

Il s’agit d’un loupé rédactionnel à mon sens, j’espère que l’on reviendra à la rédaction antérieure. En effet, quel intérêt de faire une publicité à 100 € pour un achat à 1000 € si ce n’est dépenser 10% de l’estimation de notre achat en frais de publicité (sans parler du coût humain)?

La possibilité de s’inspirer des procédures formalisées du DRAM comme le permettait l’article 28 alinéa 3 du Code 2006, a aussi un impact sur les procédures réservées aux Entités Adjudicatrices (EA).

« Pourquoi ne pas étendre aux Pouvoirs Adjudicateurs le système de qualification? »

4) Impossibilité de recourir au Système de Qualification (SDQ) pour les PA.

Prévu à l’article 46 du DRAM, il est réservé aux Entités Adjudicatrices (EA). Pourquoi ne pas l’étendre aux PA? Il s’agit ni plus, ni moins que d’un AC ouvert, où n’importe quel Opérateur Économique (OE) peut être intégré durant la durée du SDQ. Cela aurait gommé une imperfection de l’Accord-Cadre : les OE qui ne répondent plus aux Marchés Subséquents (MS) car ils n’en gagnent pas ou peu. Imaginez un SDQ de 4 ans où pendant 4 ans les OE qui veulent se faire qualifier la première année peuvent ne plus être qualifiée la deuxième pour mieux revenir la troisième. Ainsi, le PA enverrait son DCE à la liste d’OE actualisée en fonction des entrées et des sorties. Il n’y aurait plus cette impression d’emprisonnement que peuvent ressentir les OE lorsqu’ils sont engagés dans un AC. J’aimerais que l’on m’explique pourquoi le SDQ n’est pas ouvert aux PA?

« L’obtention du Casier Judiciaire « personne morale » relève du chemin de croix »

5) Le casier judiciaire (CJ).

On nous avait vendu la réforme de la commande publique comme une « réforme de la simplification ». Résultats des courses : nous avons des documents supplémentaires à demander pour pouvoir notifier et le fameux CJ des personnes physiques et des personnes morales. Si l’obtention du CJ pour les personnes physiques est rapide (48h maximum sauf si le CJ n’est pas vierge alors le délai est plus long et je ne parle même pas du délai quand on est un PA ultramarin), l’obtention du CJ personne morale relève du chemin de croix. Par exemple, une demande envoyée à Nantes (le service doit être débordé je les plains) le 27 juin et toujours pas de réponse à ce jour. Les PA qui attendront d’avoir tous les CJ nécessaires risquent de ne plus pouvoir notifier dans les temps, nous avons pris le pari de ne plus attendre pour notifier.

« à vouloir simplifier les procédures, on installe de l’insécurité juridique »

6) Plus d’obligation de signer l’offre.

Désormais nous pouvons recevoir des offres non signées. Cela me laisse extrêmement dubitatif, qu’est ce qui empêchera un OE de ne pas fournir son offre signer en fin de procédure? Comment authentifier l’identité de la personne morale et de la personne physique qui engage la personne morale. A vouloir simplifier les procédures, on installe de l’insécurité juridique. Pour moi cela fait partie des mesurettes de cette réforme. Désormais les PA devront clairement indiquer s’ils acceptent ou pas les offres non signées car rien dans le DRAM ou dans l’Ordonnance n’interdit de demander aux OE d’envoyer des offres signées.

Alors je peux comprendre l’intérêt pour les offres électroniques car le certificat de signature électronique est couteux et compliqué à obtenir mais la réforme a passé à l’as un texte européen directement applicable en droit interne. Le règlement communautaire No 910/2014 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 23 juillet 2014 sur l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur et abrogeant la directive 1999/93. Il met en place le cachet électronique :

« Un cachet électronique qualifié bénéficie d’une présomption d’intégrité des données et d’exactitude de l’origine des données auxquelles le cachet électronique qualifié est lié. »

Je reprendrais ce que Dominique FAUSSER a dit sur ce sujet sur le forum AGORAPUBLIX : « Attaché à la personne morale (l’entreprise), il est plus simple à utiliser qu’une signature électronique assignée à une personne physique et pourrait être associé au paquet télé-transmis, moins périlleux à ce stade que des signatures à attacher au bon document. Au moins l’acheteur aurait une certitude sur l’identité d’origine de la candidature qui remet sa proposition d’offre… le bon vieux cachet de cire modernisé à la mode électronique »

Maintenant chacun prendra ses responsabilités mais personnellement je continuerai à demander la signature des offres car je ne vois pas en quoi demander une offre signée est un frein à l’accès à la commande publique. Si la signature électronique est compliquée, rien n’empêche les OE de se mettre au cachet électronique compte tenu de l’obligation de tout dématérialiser à compter d’octobre 2018.

7) Les offres variables.


Ou comment tuer l’allotissement à petit feu. L’Ordonnance nous avait mis l’eau à l’a bouche en son article 32, la DAJ s’était essayée à l’exercice périlleux de l’analyse avec offres variables dans sa fiche sur l’allotissement et le DRAM n’en parle pas!
Pour résumé, nous avons la possibilité, si cela est prévu dans le règlement de la consultation (qui lui n’a pas encore disparu, peut être à la prochaine réforme qui sait?) d’attribuer plusieurs lots à un même OE à partir du moment si cet OE présente l’offre économiquement la plus avantageuse sur l’ensemble des lots identifiés.

Mais quel intérêt de faire des lots dans ce cas si le résultat aboutit au même résultat qu’une consultation lancée sans lot, de manière globale?

Ici se télescopent deux choses :

  • l’obligation de l’allotissement de l’article 12 du DRAM
  • le choix de l’offre économiquement la plus avantageuse de l’article 62-II du DRAM.

Mais surtout à termes, rien n’empêchera les PA de lancer des consultations alloties pour respecter l’article 12 avec la possibilité de faire des offres variables pour l’ensemble des lots. Si cette pratique venait être généralisée, alors le principe d’accès à la commande publique sera littéralement vidé de sa substance car les PME ne pourront pas luter face aux OE de tailles conséquentes et capables de répondre à l’ensemble des lots. Il faudrait une limitation à ces offres variables sans quoi on aurait un moyen de contourner l’obligation d’allotissement, qui se voit déjà bien écornée par les marchés globaux.

 

Quelques éléments biographiques :

M. Najyb TEMAGOULT – Directeur de la Commande Publique – Commune de SAINT-ANDRE depuis 2015

  • de 2013 à 2015 – Instructeur des Marchés Publics – Région Réunion
  • de 2011 à 2013 – Responsable de la Commande Publique – ARS Océan Indien
  • de 2009 à 2011 – Directeur du service Achat – Ville de Maison-Lafitte
  • de 2007 à 2008 – Responsable administratif GIP MARITE – Ville de ROUEN
  • de 2006 à 2007 – Directeur des affaires juridiques et des marchés publics – Communauté d’Agglomération de l’Albigeois
  • Formateur CNFPT
  • Formateur interministériel
Publié dans Analyse, Réflexion

Le CLAUSEUR : Une micro-entreprise macro spécialisée

C’est fait! Le Centre de Formalités des Entreprises a officiellement donné vie au CLAUSEUR, conseil en Marchés Publics.

Le constat est simple :

  • D’un côté des organisations publiques dotées de plus en plus de prérogatives devant faire face à une diminution des ressources humaines et financières et une recrudescence des normes.
  • De l’autre des entreprises qui ne peuvent plus compter sur l’activité privée pour remplir leurs carnets de commande.

Entre elles, le marché public ou plutôt les marchés publics, leurs procédures, leur lourdeur administrative et plus encore :

  • un langage non partagé
  • une temporalité divergente

Le CLAUSEUR se positionne comme un facteur de convergence :

  • Facilitateur et vulgarisateur pour les entreprises souhaitant accéder à la commande publique
  • Garde du corps du respect des règles et instigateur d’opportunités pour les administrations

Si les services que propose le CLAUSEUR pour les entreprises concernent l’assistance à la réponse aux appels d’offres ou bien le règlement ponctuel de question d’exécution des marchés, les prestations proposées aux organisations publiques sont les suivantes :

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Publié dans Bonne pratique

Amendement LETCHIMY : Une usine à gaz?

La loi MACRON est dans de nombreuses têtes, fait grincer certaines dents, oblige d’autres à raser les murs, hérisse quelques poils, donne un mauvais goût en bouche et permet à d’autres de se frotter les mains. Bref, elle a du corps, un peu trop chaptalisée diront certains.

L’exposé des motifs ne passe pas par quatre chemins, ce que souhaite notre jeune ministre c’est libérer nos potentialités économiques jusque là enfermées dans des carcans administratifs. On appréciera à leur juste valeur les premiers mots retenus : Croissance durable, modernisation, objectifs, confiance, simplifier, renforcer, innover, jeunesse :

« Pour renouer avec une croissance durable, l’économie française doit être modernisée et les freins à l’activité levés. Pour atteindre ces objectifs, la loi pour l’activité et la croissance vise à assurer la confiance, à simplifier les règles qui entravent l’activité économique et à renforcer les capacités de créer, d’innover et de produire des Français et en particulier de la jeunesse »

C’est beau!

Lever des freins à l’activité des entreprises endettées, assurer la confiance dans le regard des donneurs d’ordre publics, c’est ce que souhaite Serge LETCHIMY, député de la 3ème circonscription de Martinique en proposant l’amendement qui a conduit à l’intégration de l’article 57 bis de la loi Macron :

« Dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, les administrations financières peuvent délivrer, en lieu et place des attestations exigées au 2° du I de l’article 46 du code des marchés publics, des attestations certifiant, au regard notamment des créances publiques qu’elles détiennent, de la capacité des entreprises à se voir attribuer un marché public. »
Serge LETHCIMY a semble-t-il oublié de répondre à un des éléments du sacerdoce macronique, « simplifier les règles qui entravent l’activité économique« 
Ce que nous dit l’amendement LETCHIMY


Le Code des Marchés Publics interdit aux pouvoirs adjudicateurs de contracter avec des entreprises qui ne sont pas en règles en matière fiscale et sociale. Ainsi, une fois l’attribution prononcée, l’administration demande à l’entreprise classée première de produire :
« 2° Les attestations et certificats délivrés par les administrations et organismes compétents prouvant qu’il a satisfait à ses obligations fiscales et sociales.« 
Si l’entreprise n’est pas en mesure de satisfaire à cette exigence, l’administration rejette alors l’offre de cette entreprise et procède à la même sollicitation avec le soumissionnaire classé 2ème. et ainsi de suite…
Avec l’amendement LETCHIMY, les entreprises qui ne sont pas en règle en matière fiscale et sociale pourraient pourtant obtenir des contrats publics avec les collectivités d’Outre-Mer dès lors qu’elles sont détentrices de créances publiques. Les administrations financières (ici impôts, URSSAF, RSI…) remplaceraient l’attestation de régularité par une attestation de détention de créances publiques.
En d’autres termes, une entreprise qui attend le règlement de ses factures auprès de pouvoirs adjudicateurs et qui n’est pas en règle fiscalement et socialement pourrait malgré tout conclure des marchés publics et remplir ainsi son carnet de commande. Son activité se poursuivrait, des investissements pourraient être réalisés, ses employés pourraient continuer à travailler, donc à percevoir leur salaire, pourquoi pas à emprunter et consommer. Un cercle vertueux de relance économique en somme.
Il suffisait donc de lever cette règle (l’art 46 II du CMP) qui entrave l’activité économique des entreprises assommées de dettes fiscales pour relancer l’économie d’Outre-Mer. Simple comme bonjour.
Ce que nous tait l’amendement LETCHIMY


On passera rapidement sur la question du modus operandi : Comment les administrations financières vont-elles pouvoir produire de telles attestations? Avec quels moyens humains (remember RGPP)? Comment les entreprises endettées mais créancières vont-elles justifier de ces créances? Faudra-t-il que les créances publiques soient au moins égales aux dettes fiscales et sociales pour obtenir une attestation LETCHIMY? Au cas contraire, quel taux de couverture sera retenu? Combien de temps faudra-t-il aux entreprises concernées et aux administrations fiscales pour assurer le traitement de ces demandes? Faudra-t-il que ces créances soient certaines? Ou au contraire, toute réclamation en cours de traitement amiable ou juridictionnel pourra-t-elle être comptabilisée?
Bien que ces interrogations soient parfaitement légitimes et agitent la DAJ de BERCY pour la production des règlements d’application, la question fondamentale est :
Comment une entreprise peut-elle détenir des créances publiques?
En effet, le Décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique limite à 30 jours le délai de paiement des pouvoirs adjudicateurs. Autrement dit, les collectivités locales d’Outre-Mer ont pour obligation de régler leurs cocontractants dans le mois qui suit la réception de la facture.
En cas de dépassement de ce délai, l’opérateur économique doit obtenir le paiement d’un forfait de 40€ et les intérêts moratoires en plus du montant de la facture.
Si Monsieur le Député LETCHIMY a produit cet amendement, doit-on comprendre que les collectivités ne paient pas à 30 jours?
Si tel est le cas pourquoi créer une usine à gaz dont la responsabilité incombe aux entreprises alors qu’il aurait été plus simple d’agir sur le respect de la loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013 portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière
Il y a fort longtemps, alors que les délais de paiement étaient de 45 jours, le paiement des marchés publics pouvait constituer une aventure dans l’immeuble qui rend fou des 12 travaux d’Astérix :
  • copies à n’en plus finir
  • disquette 5 pouce 1/4
  • Transmission manuelle au Trésorier Payeur
  • Bug informatique
  • Bug de l’imprimante
  • absence du préposé
Les progrès en matière de software et hardware ont depuis éliminés la plupart de ces dysfonctionnements.
Ainsi,
  1. L’opérateur transmet sa facture : 1 jour
  2. Le service courrier de la collectivité l’enregistre et la transmet à l’instructeur : 1 jour
  3. L’instructeur valide le service fait : 5 jours (on peut supposer que l’opérationnel n’est pas monotâche)
  4. La comptabilité mandate : 5 jours (avec le flux de facture, on peut envisager un traitement sous 5 jours)
  5. Le Trésorier Payeur règle : 5 jours
  6. Le virement est passé : 2 jours
Soit 19 jours sans presser chaque partie prenante.
Il reste encore 11 jours pour que le paiement soit effectué dans les délais.
Dès lors, si les collectivités paient sous 20 jours – ce qui semble parfaitement envisageable – il est peu probable que l’amendement LETCHIMY ait une réelle utilité.
Rêvons! En prenant conscience que le règlement des fournisseurs constitue une priorité stratégique, les collectivités peuvent même payer sous 15 jours et même en deçà.
D’ailleurs, qu’en est-t-il des délais de paiement au Conseil Régional de MARTINIQUE?
A l’heure ou la production et surtout l’adoption d’amendements semble être le seul indicateur visible de l’activité de nos parlementaires, il serait pourtant plus méritoire et responsable de gérer efficacement ses propres services.
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Publié dans Errance

Développement durable : Des liaisons vachement moins dangereuses

1. Depuis 2006, l’attribution des marchés s’opère par détermination de l’offre économiquement la plus avantageuse une fois les offres passées au filtre d’ « une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l’objet du marché » qui peuvent être notamment la valeur technique, le caractère esthétique ou les performances en matière de protection de l’environnement.

2. L’article 53 précise en outre que « d’autres critères peuvent être pris en compte s’ils sont justifiés par l’objet du marché ». Il s’agissait de transposer la jurisprudence européenne fondatrice du 17 septembre 2002 Concordia Bus Finland C513/99. La Cour de Justice de la Commission Européenne estimait alors que, « lorsque le pouvoir adjudicateur décide d’attribuer un marché au soumissionnaire ayant présenté l’offre économiquement la plus avantageuse, il peut prendre en considération des critères écologiques pour autant que ces critères :

  • soient liés à l’objet du marché
  • ne confèrent pas audit pouvoir adjudicateur une liberté inconditionnée de choix
  • soient expressément mentionnés dans le cahier des charges ou dans l’avis de marché et
  • respectent tous les principes fondamentaux du droit communautaire, notamment le principe de non-discrimination.

Les plus avides de savoir pourront utilement se référer à l’arrêt CJCE Wienstrom du 4 décembre 2003 C-448/01 qui reprend la même interprétation dans un contrat de fourniture d’électricité.

3. Cette liaison entre le critère d’attribution et l’objet du marché s’opère par la grâce des conditions d’exécution. Est ainsi liée à l’objet du marché un critère d’émission de gaz et particules par les moteurs des véhicules que souhaitent acquérir un pouvoir adjudicateur. On citera également le nombre d’heures d’insertion des publics éloignés de l’emploi dans un marché de travaux en matière de rénovation urbaine. Dans le premier cas, l’émission de gaz est une conséquence de l’utilisation des véhicules achetés, dans le second exemple, l’emploi par une entreprise de travaux de personnes en marge du marché du travail permet bien in fine de livrer l’ouvrage prévu.

Qu’en est-il de cette liaison à l’objet du marché dans la Directive 2014/24/UE et dans le projet d’ordonnance en cours d’écriture par le Ministère de l’Economie et des Finances? Ces nouveaux textes restent ils intraitables quant au nécessaire et direct rattachement des conditions d’exécution et critères aux besoins des pouvoirs adjudicateurs? Ou bien peut-on considérer que des fissures commencent à lézarder cette absolue condition?

4. Les premières lignes du point n°97 de la Directive 2014/24/UE sont conformes à la position désormais séculaire :

« afin que les considérations sociales et environnementales soient mieux prises en compte dans les procédures de passation de marché, il convient que les pouvoirs adjudicateurs soient autorisés à appliquer des critères d’attribution ou des conditions d’exécution de marché liés aux travaux, produits ou services à fournir en vertu du marché public »

5. L’Union Européenne expose dans les lignes suivantes des exemples issus de la jurisprudence communautaire et qui ont fait avancer l’état du Droit depuis la Directive 2004/18/CE :

  • Possibilité d’exiger des produits issus du commerce équitable (CJUE, 10 mai 2012, C-368/10, Commission c/ Pays-Bas)
  • Minimisation des déchets d’emballage des fournitures livrées
  • Consommation intermédiaire ou outil de production économes en énergie et/ou ressources non renouvelables

6. Le projet d’ordonnance de transposition des directives européennes marchés de 2014 reprend, dans un verbiage similaire, en son article 31, les obligations de sa supérieure hiérarchique européenne :

« Les conditions d’exécution d’un marché public peuvent comporter des éléments à caractère social ou environnemental qui prennent en compte les objectifs de développement durable, à condition qu’elles soient liées à l’objet du marché public. »

7. Le rattachement à l’objet du marché et donc aux besoins des organismes acheteurs reste donc le principe. C’est le caractère direct de la liaison avec les besoins des pouvoirs adjudicateurs qui n’est plus à ce jour absolue :

Ainsi l’article 31 poursuit de la sorte :

« Sont réputées liées à l’objet du marché public les conditions d’exécution qui se rapportent aux travaux,fournitures ou services à fournir en application du marché public, à quelque égard que ce soit et à n’importe quel stade de leur cycle de vie, y compris les facteurs intervenant dans le processus spécifique de production, de fourniture ou de commercialisation de ces travaux, fournitures ou services ou un processus spécifique lié à un autre stade de leur cycle de vie, même lorsque ces facteurs ne ressortent pas des qualités intrinsèques de ces travaux, fournitures ou services »

8. On retrouve dans cette précision, en filigrane, le développement de Monsieur le rapporteur public Gilles PELLISSIER dans ses conclusions préalables à l’arrêt CE du 25 mars 2013 département de l’Isère pour qui : « exiger un lien direct entre l’objet du marché et le critère social, c’est rendre inutilisable un tel critère« . Il n’est plus nécessaire de justifier d’un lien direct mais d’un « rapport » pas forcément direct avec l’objet du marché.

En l’espèce, le conseil général de l’Isère avait prévu un critère d’insertion sociale pour un marché de travaux routiers pondéré à hauteur de 15% de la note globale. Les Sages ont considéré que cette pondération était non discriminatoire car « raisonnable ».

Depuis mars 2013, il était donc possible de prévoir des conditions d’exécution et/ou un critère d’attribution social ou environnemental qui n’est pas en rapport direct et absolu avec l’objet du marché dans la mesure où cette exigence n’est pas discriminatoire.

9. Le projet d’Ordonnance va plus loin en consacrant comme régulière la clause sociale ou environnementale « même lorsque ces facteurs ne ressortent pas des qualités intrinsèques de ces travaux, fournitures ou services« .

Est-ce ouvrir la porte à l’appréciation de la politique sociale globale des opérateurs économiques telle qu’elle fut rejetée dans l’arrêt CE du 15 février 2013 n°363921)?

10. Pas encore! La précision finale du point 97 de la Directive 2014/24/UE reste quasi catégorique :

« Toutefois, la condition de l’existence d’un lien avec l’objet du marché exclut les critères et conditions relatifs à la politique générale de l’entreprise, qui ne peuvent être considérés comme un élément caractérisant le processus spécifique de production ou de fourniture des travaux, produits ou services achetés. Les pouvoirs adjudicateurs ne devraient dès lors pas être autorisés à exiger des soumissionnaires qu’ils aient mis en place une politique particulière de responsabilité sociale ou environnementale de l’entreprise. »

Elle est reprise dans le projet d’ordonnance qui exige effectivement que les facteurs considérés sont ceux qui interviennent spécifiquement dans la satisfaction du besoin des pouvoirs adjudicateurs.

11. Les acheteurs pourraient donc envisager d’inclure dans un marché des conditions d’exécution, ou dans un règlement de consultation, un critère d’attribution portant sur un facteur représentatif du processus de production des travaux, fournitures ou services quand bien même ce facteur n’est pas prépondérant dans la définition qualitative propre de ces travaux, fournitures ou services. La nuance est difficilement saisissable.

12. Sans préjuger de l’accueil que pourraient recevoir les propositions suivantes dans nos juridictions, il peut-être utile d’illustrer cette fissure difficilement concevable :

13. Ainsi, un prestataire de service amené à se déplacer fréquemment (coordonnateur SPS, architecte, AMO) pourrait être sélectionné en prenant en compte ses modalités de déplacement et obtenir une meilleure note en roulant électrique, en motocyclette ou en ayant suivi un stage de formation à la conduite douce. L’objet du marché est de rendre un service de coordination des travaux en matière de sécurité et protection de la santé des travailleurs. La production de ce service est réalisée principalement avec la matière grise du personnel en charge de l’exécution. Toutefois, la production de ce service est aussi conditionnée par les déplacements dans les locaux du Maître d’Ouvrage puis sur le chantier. Le déplacement du personnel ressource entre donc dans le processus de production du service quand bien même il n’est pas rattachable à la qualité des conseils fournis.

14. En matière de travaux, la construction d’un ouvrage en bois doit répondre à des spécifications techniques particulières (solidité, résistance au climat, descente de charge…). Toutefois, si le bois utilisé provient de forêts gérées dans le respect de l’environnement avec du personnel composé en partie par des publics éloignés de l’emploi, l’offre de l’entreprise pourrait être supérieure à un bois aux performances physiques identiques mais dont la provenance n’est pas justifiée. La qualité propre des deux bois est similaire mais un des facteurs entrant dans le processus de production apporte une plus-value au pouvoir adjudicateur.

15. Pour nourrir les élèves des ses écoles, une commune pourrait favoriser une poire passe-crassane produite à proximité au lieu de commander une poire identique pour le même prix mais produite à un jour de transport. La poire est aussi nutritive et goûtue (sa valeur intrinsèque) qu’elle soit locale ou étrangère mais la première a une empreinte écologique moindre. A prix égal, elle est donc plus avantageuse pour la commune.

16. Si on ne peut pas encore parler de révolution, la clause sociale ou environnementale sort du sentier battu de la liaison directe avec l’objet du marché. Les acheteur publics ne peuvent pas favoriser les entreprises ayant mis en place une politique de responsabilité sociétale directement. Pourtant, leur imagination dans l’ingénierie des clauses pourrait permettre d’œuvrer, pendant l’acte d’achat, à la mise en place d’une économie plus respectueuse de l’environnement.

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Publié dans Analyse

Vers la fin de la définition fonctionnelle des besoins?

Avançons peu à peu dans notre analyse article par article du projet d’ordonnance mis en ligne pour concertation publique par la DAJ de Bercy.

Place aujourd’hui à ce qui constitue pour les praticiens – ceux qui maîtrisent les procédures de passation – le gros morceau, le plat de résistance, le point de non retour, le nectar : La définition des besoins.

Combien de déclaration sans suite, d’avis rectificatifs, d’avenants, de marchés similaires, ont dû être publiés ou conclus pour pallier à une définition de besoin chaotique, imprécise, inintelligible voir incomplète ou même absente?

La définition des besoins est donc l’étape fondamentale, celle qui conditionne la réussite de l’achat, majoritairement, loin devant la rédaction du contrat ou la procédure de passation.

Analysons donc comment est traitée cette étape dans le projet d’ordonnance, toujours à l’aune du CMP 2006. Nous présenterons dans un premier temps la concision extrême des articles 25 et 26 pour étudier au fond dans un second temps la force des mots utilisés.

1. Deux articles, la tonte au maximum :


98 mots, à peine plus de 500 caractères, les petites mains du Ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie ont élagué à tour de bras pour aboutir aux articles 25 et 26 rescapés de la section 2 : « définition préalable des besoins ».

Mieux, la DAJ a même réussit à inclure les dispositions relatives à l’achat des véhicules à moteur, perdues à l’article 75.1 du CMP 2006 au second paragraphe de l’article 26 en 4 lignes là où le Décret n°2011-493 avaient augmenté de 500 mots et d’une quarantaine de lignes le Code actuellement applicable.

Ce paragraphe renvoie à des conditions et exceptions qui seront « définies par voie règlementaire ». Nous pouvons donc nous attendre à retrouver l’article 75.1 et l’Arrêté du 5 mai 2011 relatif aux modalités de prise en compte des incidences énergétiques et environnementales des véhicules à moteur dans les procédures de commande publique NOR: DEVD1110810A.

Par contre, point de complément à venir par voie règlementaire quant aux spécifications techniques alors que le CMP 2006 renvoyait à l’arrêté du 28 août 2006 relatif aux spécifications techniques des marchés et des accords-cadres NOR: ECOM0620005A. En effet, lorsque des précisions seront apportées par arrêtés, le projet d’ordonnance précise systématiquement et expressément le recours à la voie règlementaire.

Pour des précisions, les acheteurs devront donc se référer au droit souple constitué par les fiches DAJ ou Guides Pratiques…

2. Comment définir ses besoins désormais?


« La nature et l’étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avec précision avant le lancement de la consultation en prenant en compte des objectifs de développement durable dans ses dimensions économique, sociale et environnementale. »

  • Les besoins à satisfaire sont définis selon leur nature et leur étendue. Il s’agit de la même expression que dans le CMP 2006. Que doit-on satisfaire et dans quelle mesure, quel volume? Il s’agit là de mesurer la quantité d’éléments dont la nature permet de satisfaire le besoin.
  • Une détermination précise. La terminologie de l’article 5 du CMP 2006 est maintenue. Les carences en précision dans la définition du besoin sont en effet source de contentieux (CE 29 juillet 1988 Cne de LEOGNAN, CE 2 octobre 2013 Dept de l’Oise). Il s’agit d’ « une condition impérative, pour que l’achat soit effectué dans les meilleures conditions » (circulaire du 14 février 2012 point 4.1)
  • Définition préalable. Le besoin à satisfaire doit être en tout logique défini avant le lancement de la procédure. A quoi bon alerter les opérateurs économiques sans leur fournir les éléments qui leur permettront de déposer une offre? Infructuosité, procédure sans suite, contentieux, mauvaise gestion des deniers publics et tout simplement absurdité pratique tels sont les réponses à la question posée supra.
  • Prise en compte d’objectifs de développement durable dans les dimensions économique, sociale et environnementale. La formule du CMP 2006 est complétée. Le Ministère de l’Economie ajoute les 3 piliers (définis au sommet de Rio en 1992) qui composent le développement durable : un développement économiquement efficace, socialement équitable et écologiquement soutenable. Cette précision est utile car le Développement Durable est souvent réduit à sa dimension environnementale.

Le projet d’ordonnance ne conserve pas la notion d’exclusivité de la réponse aux besoins pour les marchés. Doit-on comprendre qu’un marché peut avoir pour objet à la fois la réponse aux besoins propres du pouvoir adjudicateur mais aussi la réponse à d’autres considérations? Peut-on désormais envisager des effets secondaires non directement liés à l’objet du marché? Des externalités?

« I – Les prestations à réaliser sont définies par référence à des spécifications techniques. »

Dans les forums spécialisées et notamment sur la référence Agorapublix, nombreux sont ceux qui déploraient l’absence de mention des exigences fonctionnelles pour définir les besoins. La seule mention de faire référence à des spécifications techniques semblaient mettre fin à leurs yeux à la possibilité de définir les besoins en terme de performance, de fonction contraintes à dépasser, de fonctions d’usage à assurer.

Or, dans la rédaction du CMP 2006, les spécifications techniques sont formulées soit :

– par référence à des normes

– en termes de performances ou d’exigences fonctionnelles

Il ne semble donc pas que le recours à l’analyse fonctionnelle soit désormais proscrit. A tout le moins, le projet d’ordonnance ne donnant aucune précision sur ses spécifications techniques, il apparaît légitime de pouvoir définir son besoin avec un cahier des charges fonctionnel.

On ne s’attardera pas sur les véhicules à moteur. Toutefois, on peut regretter que ce paragraphe II ne concerne que l’achat. Il aurait été judicieux d’inclure également la Location Longue Durée. On appréciera toutefois que désormais, les acheteurs doivent prendre en compte également les autres catégories définies à l’article R311-1 du code de la Route et non plus les seules catégories M et N.

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Centrales d’achat, la consécration des acheteurs professionnels?

Après vous avoir exposé les titres « préliminaires » et « premier » du projet d’Ordonnance relative aux Marchés Publics à travers un medley d’observations et remarques, mettant le plus souvent en lumière les différences avec notre bon vieux CMP 2006, entrons sans transition dans le titre II « Passation des Marchés Publics« .

Avouez que le champ d’application et les exclusions de ce champ çà commençait à vous barber sévèrement? Non?

La passation, la procédure, c’est autrement plus au cœur de vos préoccupations? N’est-ce pas?

Commençons toujours en suivant chronologiquement le déroulé de l’Ordonnance en étudiant ce jour, le traitement des Centrales d’Achat. Entre des dispositions placées en amont du titre II relatif à la passation des MP et de nouvelles attributions d’assistance aux pouvoirs adjudicateurs (qui échappent au formalisme des procédures classiques), les centrales d’achat prennent de l’ampleur dans le landerneau de la commande publique.

1. Pôle position


Est-ce un hasard si la DAJ du Ministère de l’Economie a placé l’article consacré aux centrales d’achat (CdA) en tête du Titre II sur la passation? Probablement pas…

En effet, si l’achat des grandes collectivités territoriales, leurs établissements publics et le service des achats de l’Etat s’est considérablement professionnalisé dans les 10 dernières années, nombre d’acheteurs publics au sens de l’article 7 du projet d’Ordonnance étudié restent en rade. Petites communes, associations, syndicats Mixtes, EPCI ruraux ont rarement en leurs effectifs de véritables professionnels de l’achat, tout juste quelques initiés au droit des Marchés Publics.

Si les organismes de formations tels le CNFPT propose de plus en plus d’enseignements relatifs aux dimensions économique et sociétale de l’achat, si certains pouvoirs adjudicateurs recrutent désormais dans la sphère privée, si les sites d’informations proposent souvent des compilations de bonnes pratiques, la majorité des organisations publiques restent en rade, effrayée par la nébuleuse procédurale et les sanctions pénales.

Dès lors, recourir à une CdA peut permettre :

  • – de s’affranchir des pièges de procédures et sécuriser ainsi le représentant du pouvoir adjudicateur
  • – d’obtenir des prix plus compétitifs en raison des économies d’échelles obtenues (effet volume)
  • – d’assurer un approvisionnement sans rupture
  • – de limiter les coûts de transaction (publicité, frais postaux, frais de dématérialisation, temps passé…)
  • – d’éviter des groupements politiquement contre-nature

En plaçant l’article relatif aux CdA en pôle position, la DAJ permet aux petits acheteurs publics, aux secrétaires de Mairie esseulés des petites communes, aux élus ruraux entreprenants mais néophytes de se tourner vers les Cda sans même se préoccuper des 26 articles suivants relatifs à la passation des MP.

Au contraire, souvenez-vous du CMP 2006, un seul article compile tout ce qu’il est bon de savoir sur les CdA. Auparavant, les CdA étaient définies à l’article 9 du CMP et leur recours à l’article 31 (5 et 15 de l’Ordonnance du 6 juin 2005).

2. Une définition affinée mais ambigüe :


« Une CdA est un acheteur public soumis aux dispositions de la présente Ordonnance qui mène en permanence des activités d’achat centralisées. Sont des activités d’achat centralisées :

1° L’acquisition de fournitures ou de services destinés à des acheteurs publics;

2°La passation des marchés publics de travaux, de fournitures ou de services destinés à des acheteurs publics.« 
On retrouve les deux mêmes activités figurant au CMP 2006. Toutefois, c’est dans la définition même de la CdA qu’une ambiguïté pourrait naître, ambiguïté née de la transposition au mot près de l’article 2 1° point 14 de la Directive 2014/24/UE. Les Cda doivent « mener en permanence » ces deux activités.
S’agira-t-il pour les CdA :
  • de ne pas assurer d’autres activités?
  • d’assurer ces activités sans discontinuité?

Osons croire qu’il s’agit en l’espèce de limiter la création de divisions ou départements « centrales d’achat » au sein de pouvoirs adjudicateurs existants souhaitant diversifier leurs compétences telles certaines SEM ou associations par exemple.

3. Des activités auxiliaires d’assistance :


Le III de l’article 23 en cours de gestation transpose l’article 37 4° de la Directive 2014/24/UE.

Les pouvoirs adjudicateurs et entités adjudicatrices peuvent conclure sans publicité ni mise en concurrence un marché de service à une centrale d’achat si ces services ont pour objet des activités d’achats centralisées.

En outre, 3 formules de services « auxiliaires » à l’achat peuvent être retenues par les pouvoirs adjudicateurs et entités adjudicatrices sans se soumettre au projet d’ordonnance :

  • « 1° Infrastructures techniques permettant aux acheteurs publics de conclure des marchés publics de travaux, de fournitures ou de services; »
On pourrait imaginer ici des plateformes de dématérialisation, d’enchères électroniques ou de publicité d’avis. On pourrait inclure éventuellement des coffres-fort électroniques, ou tout autres systèmes facilitateurs pour la passation des marchés.
  • « 2° Conseil sur le déroulement ou la conception des procédures de passation de marchés publics; »
Il s’agit là de toute l’assistance intellectuelle permettant de mener à bien une procédure de marchés publics. Vraisemblablement on pourrait inclure ici l’évaluation préalable prévue à l’article 33 du projet d’Ordonnance, pour les marchés dont la valeur estimée est supérieure à 100 millions d’Euros.
  • « 3° Préparation et gestion des procédures de passation de marché au nom de l’acheteur public concerné et pour son compte« 
Cette disposition s’apparente à un transfert type mandat de Maîtrise d’Ouvrage centré uniquement sur la préparation, la passation (on émettra un doute sur la conclusion toutefois) et la finalisation de la procédure avant conclusion.
Une centrale d’achat reste donc une centrale d’achat mais plus seulement.
Elles conserveront toujours un certain avantage concurrentiel dans les achats courants (véhicules, mobiliers, énergie, équipements sportifs…).
Toutefois, la possibilité nouvelle de recourir aux ressources humaines spécialisées dans les opérations d’achat et de logistique de ces centrales ouvrent des perspectives intéressantes pour les organisations publiques dès lors que ces dernières souhaitent satisfaire des besoins singuliers.
Nous suivrons avec attention l’évolution des centrales d’achat une fois l’ordonnance adoptée.
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Macédoine d’observations sur projet d’Ordonnance n° du relative aux Marchés Publics – Part III

3ème volet de l’analyse du projet d’Ordonnance. Aujourd’hui, la section 5 « Exclusions relatives aux relations internes au secteur public« .

Article 15 : Quasi-Régie


Du nouveau pour les amateurs, et ils sont nombreux, de la quasi-régie! S’il fallait auparavant inventer de nouvelles formes d’organisation pour se soustraire aux modalités de passation des marchés publics (SPL, SPLA), désormais, la qualification de In house est étendue :

  • précision quant à l’expression « essentiel de son activité »
  • extension aux organismes financés par des capitaux mixtes dès lors que les capitaux privés sans capacité de contrôle ou de blocage
  • In house « inversé » de l’organisme contrôlé vers l’organisme de contrôle
  • Contrôle analogue en cascade (contrat conclus entre un organisme qui contrôle un organisme qui contrôle le prestataire)

On parlait de contrat « in house » ou de quasi-régie lorsqu’un pouvoir adjudicateur confie sans mise en concurrence la réalisation de prestation (travaux, fournitures, services) à une organisation dont la relation avec le commanditaire repose sur les conditions cumulatives suivantes :

  • Le contrôle exercé par le pouvoir adjudicateur sur son cocontractant doit être comparable à celui qu’il exerce sur ses propres services (le contrôle peut être exercé conjointement par plusieurs autorités – CJUE 13/11/2008 Coditel BRABANT)
  • L’activité du cocontractant doit être principalement consacrée à ce pouvoir adjudicateur

Il s’agit d’une exception à l’application du Code des Marchés Publics ou de l’Ordonnance 2005-649.

Dans l’arrêt Stadt Halle du 11 janvier 2005, (voir également arrêt Parking Brixen du 13 octobre 2005 et CJUE 18 janvier 2007 Jean AUROUX c/ Commune de ROANNE), la CJCE a précisé que « la participation, fût-elle minoritaire, d’une entreprise privée dans le capital d’une société à laquelle participe également le pouvoir adjudicateur en cause exclut en tout état de cause que ce pouvoir adjudicateur puisse exercer sur cette société un contrôle analogue à celui qu’il exerce sur ses propres services »

Mais « çà » c’était avant la Directive 2014/24/UE

La nouvelle Directive Marchés (2014/24/UE) laisse entrer certaines SEM ou SEML dans le champ d’application du « In house » dès lors que le capital social de la société est ouvert à des formes de participation de capitaux privés sans capacité de contrôle ou de blocage requises par les dispositions législatives nationales, « qui ne permettent pas d’exercer une influence décisive sur la personne morale contrôlée »

L’article 15 du projet d’Ordonnance reprend les termes de la Directive :

I.–La présente ordonnance ne s’applique pas aux marchés publics attribués par un pouvoir adjudicateur y compris lorsqu’il agit en qualité d’entité adjudicatrice, à une personne morale de droit public ou de droit privé lorsque les conditions suivantes sont réunies :
1°Le pouvoir adjudicateur exerce sur la personne morale concernée un contrôle analogue à celui qu’il exerce sur ses propres services ;
2°La personne morale contrôlée réalise plus de 80% de son activité dans le cadre des tâches qui lui sont confiées par le pouvoir adjudicateur qui la contrôle ou par d’autres personnes morales qu’il contrôle;
3° La personne morale contrôlée ne comporte pas de participation directe de capitaux privés, à l’exception des formes de participation de capitaux privés sans capacité de contrôle ou de blocage requises par la loi qui ne permettent pas d’exercer une influence décisive sur la personne morale contrôlée […]

Le contrôle analogue est maintenu tandis que le critère de l’activité est désormais chiffré à 80% à minima.

On peut donc imaginer une SEM détenue majoritairement par un EPCI type communauté d’agglomération qui non seulement participe majoritairement dans le capital de la SEM mais détient la majorité des sièges du Conseil d’Administration (CJUE 29/11/12 Econord). Cette Communauté d’Agglomération exerce une influence décisive à la fois sur les objectifs stratégiques et sur les décisions importantes de la SEM (article 12.1 Directive 2014/24/UE). Cette SEM réalise un CA dont plus de 80% est issu des contrats commandités par cette communauté d’Agglomération. Ce pourcentage d’activité est déterminé « en fonction du CA total moyen ou d’un autre paramètre approprié fondé sur les activités » (article 12.5 Directive 2014/24/UE).

Enfin, le capital de la SEM comprend bien un actionnariat privé mais celui-ci reste amplement minoritaire (seulement 15% correspondant au seuil minimum de participation privée) et ne « permet pas d’exercer une influence décisive sur la personne morale« .

Dès lors, la Communauté d’Agglomération pourrait conclure des contrats « in house » avec sa SEM dans la limite des statuts de la SEM et de ceux de la Communauté d’Agglomération, cela va de soi.

On regrettera toutefois la non retranscription de l’intégralité des dispositions de la Directive, très didactique et qui évoquent notamment comment déterminer le pourcentage d’activité et plus particulièrement lorsque la SEM vient d’être créée.

Mais on saluera au passage l’effort de retranscription de la construction jurisprudentielle (Coditel Brabant, Acoset, Teckal, Cabotermo, Auroux…).

Article 16 Coopération entre Pouvoirs Adjudicateurs


L’article 16 introduit dans le champ des exceptions au champ d’application de la commande publique ce que l’Union Européenne intitule « coopération public-public non institutionnalisée« . On parle de coopération horizontale par opposition à la coopération verticale du « In house ».

Il s’agit d’appliquer en Droit Interne les conclusions de l’arrêt CJUE Commission c/ Allemagne du 11 juin 2009. En l’espèce, la commune de HAMBOURG et 4 Landkreisse (circonscription types cantons) proches avaient conclus un contrat pour la mise à disposition des capacités d’incinération des ordures ménagères de la ville, ce, afin d’optimiser le fonctionnement de cet équipement. Le contrat conclu sans mise en concurrence a été valablement conclu nous explique la commission parce qu’il « instaurait une coopération entre collectivités locales ayant pour mission d’assurer la mise en œuvre d’une mission qui est commune à ces dernières« .

Les plus assidus de l’actualité de la commande publique se souviendront également de la reprise, en droit national, du raisonnement de la jurisprudence communautaire dans l’arrêt du Conseil d’Etat du 3 février 2012 Commune de VEYRIER du LAC.

La transposition est faite quasi à l’identique. On notera seulement une différence dans les services publics « dont ils doivent assurer la prestation » en droit européen et « dont ils ont la responsabilité » en droit national.

Au regard de cet article 16, la coopération horizontale est conditionnée par le respect de plusieurs critères cumulatifs :

a. Critère organique : Le contrat doit être conclus entre deux ou plus pouvoirs adjudicateurs ou pouvoirs adjudicateurs agissant en qualité d’entité adjudicatrice. Il peut donc s’agir d’une Commune avec une communauté de communes voisine, trois communes, une SPL et une collectivité territoriales voir à priori entre une SEM et un EPCI.

b. Critère matériel n°1 : une coopération entre les parties « dans le but de garantir que les services publics dont ils doivent assurer la prestation sont réalisés en vue d’atteindre les objectifs qu’ils ont en commun ». Il ne doit pas s’agir d’un simple échange de prestations de services, fournitures ou travaux. Cette notion de coopération reste néanmoins floue. Nul doute que le droit souple matérialisé par les guides et fiches DAJ devront l’illustrer. En attendant cet effort de BERCY, nous pourrons valablement nous reporter au considérant n°33 de la Directive 2014/24/UE.

c. Critère matériel n°2 : des considérations d’intérêt public que l’on peut entendre comme contraire aux objectifs identifiables sur les marchés concurrentiels

d. Critère matériel n°3 : 20% des activités concernées par la coopération au plus ne peuvent être réalisées par les parties au contrat sur le marché concurrentiel

Cet article 16 permettra désormais aux organisations du secteur public d’assurer ensemble la bonne exécution d’un service public sans pour autant ajouter au millefeuille administratif.

Article 17 : Contrats attribués par une Entité Adjudicatrice à une entreprise liée


Autre forme d’exception à l’application des règles de la commande publique, la conclusion de contrats avec une « entreprise liée ». Rien de nouveau pour les praticiens évoluant en entité adjudicatrice, la notion d’entreprise liée existait déjà sous l’empire du CMP 2006 en son article 138.

Il s’agit d’élargir la notion de « in house » aux entreprises d’un même « groupe ».

Article 18 : Contrats attribués par une Entité Adjudicatrice à une coentreprise


Selon la Délégation générale à la langue française et aux langues de France, la coentreprise peut aussi être appelée joint-venture. Il s’agit en l’espèce d’un « organisme » constitué de plusieurs entités adjudicatrices.

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